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Vendredi 13 janvier 2017, arrivée sur la base

Par Annabelle Kremer.

Nous avons dû quitter l’Astrolabe à plus de 80 km de DDU vendredi 13 janvier car il était impossible  de se rapprocher davantage de la base.

Le pack était bien trop dense et le bateau ne peut pas monter sur la banquise. Nous avons fait le reste du trajet en hélicoptère avec nos bagages. Comme nous n’étions que 18 passagers, cela s’est fait en moins de deux heures. Le spectacle de la banquise vu d’en haut est absolument stupéfiant. C’est comme une patinoire gigantesque avec de très gros glaçons échoués çà et là !

Une immensité de blanc, à perte de vue qui éblouit autant les yeux que la mémoire. Impact émotionnel stocké jusqu’à la fin de mes jours dans les recoins de mon cortex cérébral …

Arrivée à DDU, le DisTA – chef du district Terre Adélie – m’indique le bâtiment et le numéro de chambre qui m’est attribué. Mon dortoir est situé un peu en contrebas des bâtiments principaux. C’est le dortoir d’été. Il est plus récent  et donc plus confortable que le dortoir du bâtiment 42 et on y est moins nombreux. Mais il faut le regagner en marchant cinq à dix minutes à travers l’une des manchotières de la base.

Survol en hélicoptère. Vue de la base © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Survol en hélicoptère. Vue de la base © MNHN / MSA / IPEV

Arrivée à DDU, le DisTA – chef du district Terre Adélie – m’indique le bâtiment et le numéro de chambre qui m’est attribué. Mon dortoir est situé un peu en contrebas des bâtiments principaux. C’est le dortoir d’été. Il est plus récent  et donc plus confortable que le dortoir du bâtiment 42 et on y est moins nombreux. Mais il faut le regagner en marchant cinq à dix minutes à travers l’une des manchotières de la base.

Pour l’heure, vu qu’il y a les bagages à transporter, on me propose de m’y déposer  en véhicule à chenille. J’ai à peine le temps de ranger mes affaires dans ma chambre – que je vais partager avec une autre femme déjà présente sur la base – qu’il me faut regagner à pied le bâtiment « Séjour » dans lequel hivernants et campagnards d’été prennent chaque jour leurs repas. Je suis à la lettre les consignes de marche : suivre la corde blanche pour ne pas déranger la colonie de manchots et ne surtout pas prendre le cordon qui mène à la zone amagnétique qu’il est interdit de franchir puisqu’elle contient des équipements très sensibles permettant de mesurer les valeurs absolues du champ magnétique. Je me promène donc à travers les granites et les gneiss sur lesquels sont installés les manchots Adélie aperçus plus tôt en mer. Là je les vois de très près ! De petites « peluches »  qu’on a envie de prendre dans ses bras mais qui sentent mauvais (en raison de leurs déjections blanchâtres très nombreuses) et qui font beaucoup de bruit ! (heureusement, je ne les entends pas au dortoir d’été).

Annabelle Kremer  © MNHN / MSA / IPEV© IPEV/MSA/MNHN Annabelle Kremer © MNHN / MSA / IPEV

J’arrive au bâtiment séjour. Le DisTA nous accueille à nouveau pour tenir une réunion sur les consignes de sécurité (déplacements sur la banquise notamment) et sur les règles de vie sur la base. Plusieurs endroits seront interdits à la promenade car la glace est fragile par endroit et pourrait céder. Coline et Elodie, deux hivernantes qui s’occupent des oiseaux sur la base, prennent la parole pour nous informer des consignes de respect de l’environnement et de la faune. J’apprends que les manchotières de la base sont dépeuplées par rapport à l’an passé. Très peu de poussins Adélie ont survécu et certains couples sont déjà repartis. C’est encore plus dramatique pour les manchots Empereurs dont le nombre est extrêmement faible. La persistance d’une banquise anormalement étendue en cette période de l’année a obligé les parents à aller de plus en plus loin pour trouver de la nourriture en mer. Le temps de revenir, la majorité des poussins sont morts de faim (ou ont été dévorés par les skuas, des oiseaux carnivores).

Vie sur la base, Manchots Adélie © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Vie sur la base, Manchots Adélie © MNHN / MSA / IPEV

Je prends ensuite note des obligations relatives à la vie sur base : aider, chaque samedi, à la « chaîne des vivres » qui consiste à faire transiter de mains en mains le long d’une « chaîne humaine » les rations alimentaires stockées dans les bâtiments « 4°C » et « -20°C »  (en référence à la température de conservation). J’apprends d’ailleurs que les stocks alimentaires sont suffisants pour assurer deux ans d’autonomie à la base, de quoi anticiper d’éventuels problèmes de ravitaillement de la base par le bateau. Autre obligation à DDU : le service base. Chaque hivernant ou campagnard d’été doit donner une journée de son temps pour participer au nettoyage des dortoirs et du séjour, à la vaisselle et au service en salle de repas (dressage et nettoyage des tables, distributions des plats). Ainsi, tousles jours, une nouvelle équipe de trois personnes se relaie pour que la vie en communauté soit possible. Mon jour de service base est fixé au jeudi 19 janvier.

Les repas sont très copieux et l’ambiance est vraiment familiale. Je termine ma journée par un tour de la base pour repérer chaque bâtiment et m’informer de la présence des différents programmes de recherche que je vais suivre.  Je réalise assez rapidement, au gré des rencontres et des discussions que de nombreuses personnes souhaitent communiquer sur la nature de leur travail ici à DDU ! De quoi élargir le recueil d’informations et de quoi s’enrichir humainement aussi ! Je regagne mon dortoir, heureuse de cette journée en collectivité. Il fera bon vivre ici !