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Les programmes REVOLTA et ICO²TAKS partent ensemble à la pêche !

Guillaume Lecointre nous raconte !

Sortie du 16 janvier après-midi : tentative de pose d’un filet trémail vertical dans une « rivière » de la banquise.

L’eau de mer autour de l’archipel est gelée en surface. Chauffée par le soleil, et en absence de vent comme lors de ce bel après-midi, la banquise fond. L’objectif est de repérer, sur la glace de mer, entre l’archipel et le continent, une « rivière » d’eau de mer, une faille accessible de manière à y plonger un filet vertical à trois maillages (« trémail ») pour y capturer du poisson.

Un trémail © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Un trémail © MNHN / MSA / IPEV

Nous sortons avec deux radios, sorte de « talkie-walkies » qui nous tiennent en lien permanent avec la base. En cas d’incident nous sommes assez nombreux pour nous porter mutuellement secours : il y a Jean-Baptiste, Jérôme, Marc, Laurent, Anouchka, Mélyne, Elisabeth, Guillaume.

Une "rivière" Une "rivière" © MNHN / MSA / IPEV

Nous sortons deux polkas, sorte de traineau qui glisse sur la neige, fait pour contenir du matériel, et armé de deux bras associés à une ceinture. La ceinture est faite pour être mise à la taille, et ainsi un homme peut tirer la charge. Nous mettons dans la pulka une CTD (capteurs techniques qui enregistrent la température de l’eau ainsi que d’autres paramètres), deux poubelles à cordes, le filet, des sacs à dos, un piolet, une pelle, des bâtons de marche. Jérôme et Laurent tractent les polkas. Jean-Baptiste part devant, en éclaireur.

Une pulka © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Une pulka © MNHN / MSA / IPEV

La glace de mer est irrégulière, partiellement fondue par endroits, parfois molle en surface car le soleil brille, parfois dure en surface là où le vent y a taillé des arêtes coupantes de glace en autant de lames acérées parallèles. Elle est lézardée de crevasses ça et là, et maculée de zones transparentes où l’on n’a pas envie de mettre le pied.

Parfois, un trou d’eau contient un cadavre de poussin de manchot empereur.

Nous cherchons les rivières, mais elles ne semblent pas être à l’endroit où elles avaient été aperçues quelques jours auparavant. Tout se passe comme si le pack dissocié avait été secondairement comprimé, fermant les rivières de la veille. Toute cette glace, aussi dure soit-elle en apparence, bouge. Nous stoppons. Nous décidons de partir plus loin à trois en éclaireurs, Jean-Baptiste, Marc et Guillaume. De temps à autres, le pied s’enfonce dans la glace dans un grand « splatch ! ». À d’autres moments, on voit la glace de mer s’affaisser sous notre passage, avec un bruit sourd émanant du dessous. Comme s’il y avait un premier niveau de glace, de l’eau en dessous, puis en dessous une glace plus solide. Nous arrivons enfin à l’endroit d’une rivière. Mais il faut ouvrir certains segments au piolet.

Aux endroits ouverts, des manchos adélie s’égaient et sortent de là en sautant. Nous pouvons déployer de manière à
peu près rectiligne vingt mètres de filet trémail. Insuffisant : il faut couper le trémail à dessein. Mais surtout, c’est
cette banquise fragile qui nous préoccupe. Jean-Baptiste semble vouloir passer à l’action, Marc est plus prudent.
Nous revenons vers nos collègues qui nous ont attendu non loin de là avec les polkas et le matériel.
Sur ce retour, mon pied traverse la glace et ma botte plonge dans l’eau de mer. A un autre endroit, marc entend
craquer sous ses pieds. Les conditions ne sont pas réunies pour que nous passions ici à huit avec les polkas. Nous
décidons collectivement que la manipulation est trop risquée et rentrons. Certes, nous avons pris connaissance de
l’état de la banquise, mais nous n’avons rien déployé ni rien pêché. En Antarctique, on ne défie pas les éléments : on
est patients. »

Bon, c’est raté pour cette fois … Il faudra attendre de meilleures conditions de pêche pour pouvoir recueillir la faune.
Ici c’est la météo qui est reine !

Pour comparaison, ci-dessous, l’état de la mer à proximité de la piste de Lion où le bateau de pêche est
généralement amarré. La première photo a été prise aujourd’hui 18 janvier 2017. La seconde a été prise en
janvier 2012. Les conditions étaient bien différentes !

Au fond : la piste du Lion. DDU Janvier 2017 © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Au fond : la piste du Lion. DDU Janvier 2017 © MNHN / MSA / IPEV
Au fond : la piste du Lion. DDU Janvier 2012 © MNHN / MSA / IPEV © IPEV/MSA/MNHN Au fond : la piste du Lion. DDU Janvier 2012 © MNHN / MSA / IPEV
Infos

Eleaume Marc. Programme Revolta 1124.

La zone Est Antarctique est encore peu affectée par les effets des changements globaux et les effets anthropiques. La biodiversité de la faune de cette région est exceptionnellement élevée par comparaison à la faune arctique et les assemblages fauniques décrits font de cette zone un ensemble d’écosystèmes uniques au monde. Ce secteur est propice pour établir un point de référence afin de mesurer et de suivre sur le long terme des paramètres qui permettront d'estimer la variabilité d'un écosystème en situation de normalité. Les données obtenues seront une aide indispensable pour la gestion d’aires marines protégées.

Koubbi Philippe. Programme ICO²TAKS 1142.

La motivation du projet ICO²TAKS est de collecter, grâce à un programme pluridisciplinaire, des informations utiles à l’étude des variations spatiales et temporelles des espèces marines de divers secteurs de l’océan Austral. Les principaux objectifs seront de compléter l’éco régionalisation de ces zones pour le plancton et les poissons, d’étudier le fonctionnement du réseau trophique pélagique et de déterminer les indicateurs qui devront être suivis pour comprendre les conséquences des changements environnementaux.

Annabelle Kremer & Guillaume Lecointre. 18 janvier 2017.