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L’océan Austral : il tourne en boucle en surface mais il irradie en profondeur !

À l’autre bout de la Terre, dans l’hémisphère Sud, au voisinage des cinquantièmes hurlants, les mers présentent une frontière invisible qui sépare, en surface, les eaux subantarctiques des eaux glacées du Sud. C’est le front polaire, où la température chute brutalement de trois ou quatre degrés. Au-delà de cette limite, les eaux sont aussi moins salées, plus denses (car plus froides) et plus oxygénées. Vous êtes dans l’océan Austral, qui représente dix pour cent de la superficie de toutes les mers. Cette frontière invisible est marquée, en surface, par un courant circum-antarctique d’Ouest en Est, mais en profondeur les eaux froides circulent du Sud vers le Nord. Ainsi l’océan Austral a une influence majeure sur la circulation océanique globale et sur le climat de notre planète.

 

Le front polaire © MKF Éditions Le front polaire © MKF Éditions

À proximité du talus continental de l’Antarctique, l’océan Austral se couvre de glace durant l’hiver. Ses eaux, salées, ne gèlent qu’à -1,86°C ; ainsi, sous la banquise, la température de la mer est inférieure à 0°C. Malgré le froid, des organismes vivants y prospèrent. Car l’océan Austral abrite une faune unique dominée par les organismes filtreurs vivant sur le fond du plateau continental, fixée u non, abondante et diversifiée. Cette faune dite « benthique » présente, en nombre d’espèces, 88% des espèces connues de l’Océan Austral, avec un fort taux d’endémisme : on ne trouve ces espèces nulle part ailleurs. Ce fort endémisme est lié à l’isolement géographique du plateau continental antarctique, l’isolement écologique grâce au courant circum-antarctique de surface et l’isolement thermique en partie dû au gigantesque glacier recouvrant le continent, le plus grand réservoir d’eau douce au monde, jouant localement un rôle tampon thermique, le tout mis en place depuis 34 millions d’années.

 

Les retraits et avancées du glacier sur le plateau continental, répétés lors des récentes glaciations, ont conduit dans certains groupes zoologiques à des différenciations évolutives rapides, accompagnées d’adaptations particulières. C’est ce qu’on appelle des « radiations évolutives ». Certains organismes, notamment les poissons téléostéens, ont développé des caractéristiques physiologiques adaptées aux conditions extrêmes. Leur premier problème, si l’on peut dire, c’est que leur température interne est la même que celle de l’eau de mer et donc inférieure à 0°C en bien des endroits. Leur second problème, c’est que leur sang est beaucoup moins salé que l’eau de mer. En conséquence, ils risquent de geler. Ceux qui réussissent à vivre là ont des ancêtres qui leur ont légué les fameuses glycoprotéines anti-gel dans le sang, permettant de surmonter ces deux problèmes et d’éviter le gel.

 

Poisson des glaces © MNHN / IPEV Poisson des glaces © MNHN / IPEV

À cause du rôle prépondérant de régulateur climatique de l’océan Austral, les changements climatiques en Antarctique auront une forte influence non seulement sur le climat mondial mais aussi sur la composition de la faune marine australe. La zone Est Antarctique est pour l’instant peu affectée par les effets des changements globaux. La diversité de la faune de cette région est exceptionnellement élevée par comparaison à la faune arctique et les assemblages fauniques décrits font de cette zone un ensemble d’écosystèmes uniques au monde. Ce secteur est propice pour établir un point de référence afin de mesurer et de suivre sur le long terme la variabilité d’un écosystème en situation de normalité. Les données obtenues seront une aide indispensable pour la gestion d’aires marines protégées.